La vision de Tunnel
Vous ne le réalisez peut-être pas, mais votre ville est faite pour les voitures. Les routes et places de stationnement prennent jusqu’à 80% de l’espace urbain autour de nous. Imaginez une seconde si l’on pouvait transformer une partie d’entre eux en parcs luxuriants et en promenades.
A travers le monde, les villes ont d’ores et déjà commencé à engager des actions à l’encontre des voitures personnelles. Pour documenter ce changement, nous avons envoyé le photographe émérite Tõnu Tunnel à travers l’Europe et condensé son travail dans la toute première galerie des transformations urbaines.
Écoutons à présent l’homme derrière l’objectif – Tõnu Tunnel, un photographe fasciné par des villes en changement perpétuel.
Q : Pourriez-vous vous présenter ?
“En tant que photographe freelance en architecture, j’ai l’habitude de tirer le portrait de bâtiments en tous genres.
J’ai toujours adoré observer l’architecture des villes et suis passionné d’urbanisme depuis des années. Avant d’étudier la photographie à l’Académie des Arts d’Estonie, j’ai étudié brièvement l’ingénierie du bâtiment à l’Université Technique de Tallinn. Bien que le sujet n’ait pas été à mon goût, c’est la première fois que j’ai réalisé que j’avais une fascination pour l’urbanisme.
Vivre à Tallinn m’a permis de découvrir une ville à l’urbanisme très divers allant de la Vieille Ville médiévale aux zones industrielles post-soviétiques, en passant par des micro-lofts où l’on ouvre la porte d’entrée avec son smartphone.
En observant ces lieux et leur inévitable gentrification, j’ai tourné progressivement ma passion en profession. Bien que je travaille essentiellement sur des commandes d’architectes, je documente occasionnellement des vieux bâtiments destinés à être détruits ou rénovés. J’ai l’impression que c’est un devoir citoyen pour moi d’agir ainsi.”
De Barcelone à Amsterdam : s’adapter au rythme de différentes villes
Q : Décrivez votre projet, comment vous y êtes-vous pris ? A quels défis avez-vous fait face ? Quelles étaient vos villes préférées ?
“Travailler sur ce projet était une expérimentation captivante pour comprendre comment différentes villes fonctionnent et vers quoi elles tendent. S’il était facile de circuler dans certaines d’entre elles, ce n’était pas le cas de toutes.
De manière surprenante, le côté “nouveau” de voyager d’une ville à l’autre s’est affaibli rapidement, à mesure que je m’habituais aux espaces urbains où je voyageais. Le projet m’a également forcé à adapter le rythme et la technique de mes shootings. J’ai appris à être plus rapide et discret.
J’ai même abandonné mon trépied pour me fondre plus facilement dans la masse, ressemblant à un touriste de base. Cela m’a aidé à ne pas trop attirer l’attention en essayant d’avoir la photo parfaite d’une place bondée ou d’une rue piétonne.
Mon voyage à travers les différentes villes que j’ai visité a été rempli de moments inoubliables, allant d’un chauffeur de taxi fonçant à toute allure à travers Barcelone de nuit, à un groupe de joueurs de pétanques d’un âge avancé discutant de tout et de rien sur une esplanade.
Toutefois, l’aspect le plus gratifiant du voyage a été pour moi d’observer la transformation de villes encombrées par les voitures en des zones piétonnes pleines de vie.
Explorer Paris sur un vélo électrique a été une incroyable expérience par exemple. Copenhague a aussi été un moment fort de mon périple et est devenue une de mes villes préférées, grâce à sa grande considération pour une circulation harmonieuse. Au contraire, manoeuvrer dans Amsterdam a été plus compliqué car la circulation manquait d’harmonie et il était compliqué de s’y retrouver.”
Voir les villes évoluer : des espaces pour voitures aux espaces pour les habitants
Q: Quelles villes ont le plus changé ? Lesquelles ont toujours un bon potentiel d’évolution ? Et comment pouvons-nous créer davantage de villes faites pour les habitants ?
Il est difficile de relever des endroits spécifiques pour illustrer, mais j’ai globalement été impressionné par les transformations de Paris et d’Amsterdam. Des villes comme Turin, Madrid, Tallinn et Stockholm ont quant à elles besoin de changements, à mon humble avis.
En tant que cycliste invétéré, je me sens très à l’aise en louant des trottinettes et vélos électriques presque partout où je passe. Cependant, je constate que tout le monde n’a pas la même aisance que moi à circuler dans une ville étrangère.
Pour créer une ville qui s’occupe de ses habitants et est capable de changements, nous avons besoin d’espaces verts, d’une meilleure prise en compte des différents modes de transports et d’une conception de la planification urbaine qui met l’accent sur l’humain.
Les villes de demain doivent être inclusives, accessibles et durables, en se concentrant sur l’humain et non pas sur les voitures. Cependant, transformer les villes n’est pas du seul ressort des responsables de l’urbanisme, cela nécessite l’attention de tous. En tant que citoyens, nous avons un rôle important à jouer dans leur évolution. Après tout, les villes de demain dont nous rêvons commencent avec les actions que nous prenons aujourd’hui.
Le changement peut intervenir rapidement si l’on se donne les moyens — pour commencer, il est simple de conduire moins et/ou d’utiliser le vélo, les transports en commun, les trottinettes, les voitures électriques ou les voitures partagées pour se déplacer.”
Explorez la totalité de la galerie en ligne pour en apprendre davantage sur comment nous pouvons faire des villes pour les habitants, et non pour les voitures.