Vivre en ville et s’y sentir comme chez soi – une urbaniste répond à nos questions

6 nov. 2023

Qu’il fait bon de vivre en ville, surtout quand on est une voiture.

Plus sérieusement, cette idée est une représentation qui correspond bien à la façon dont nos villes se sont développées au cours du siècle dernier. Avec jusqu’à 60 % de l’espace public dédié à l’infrastructure automobile, les villes sont devenues des espaces pour les voitures qui les traversent, et non pour les personnes qui y vivent.

Pour comprendre ce qu’une ville où l’on se sent comme chez soi signifie réellement, nous avons discuté avec une architecte, urbaniste et mère de quatre enfants, Yoko Alender.

Notre dernière campagne met en avant l’idée que l’on devrait être en ville comme on est chez soi. Lorsque vous sortez, vous ne devez pas avoir l’impression d’être dans un couloir de béton en métal mort, mais dans un salon confortable. Alors, selon vous, qu’est-ce qui fait que l’on puisse vivre en ville en se sentant comme chez soi ?

Quand nous sommes chez nous, nous nous sentons en sécurité, à l’aise et détendus. Nous savons instinctivement comment être et quoi faire. L’espace nous aide à être nous-mêmes et vaquer à nos occupations.

Les espaces publics devraient être tout aussi intuitifs. Ils devraient nous dire comment agir et comment nous comporter – où rouler, marcher et s’asseoir – tout en assurant en permanence notre sécurité. Et de la même manière que les salons permettent de se rassembler, les espaces publics devraient aussi favoriser l’unité et les interactions.

Un repas partagé dans un espace partagé : Yoko profitant d’un pique-nique avec sa famille.

Quels sont les éléments clés qui font que les gens se sentent dans leur ville comme chez eux ?

L’urbaniste danois Jan Gehl a très bien défini les critères de qualité de l’espace urbain. Il s’agit de répondre à nos besoins humains fondamentaux :

  1. La sécurité – vis-à-vis de la circulation, des nuisances sonores et de la pollution sous toutes ses formes ;
  2. Le confort – une diversité de lieux pour marcher, s’asseoir et jouer ;
  3. La convivialité – des paysages, de la verdure et des détails architecturaux de qualité.

« Les rues devraient donner un sentiment de sécurité. Je devrais être capable de parler avec mon amie et l’entendre me répondre lorsque nous marchons. L’espace devrait être convivial, sans confusion et sans que je ne me sente petite et insignifiante. »

L’espace devrait aussi avoir une identité – quelque chose qui fait que vous êtes dans votre quartier. Peut-être y a-t-il une vue agréable ou une odeur familière, comme une boulangerie qui a toujours été présente ou un nouveau terrain de jeux pour enfants à découvrir.

Sur la base de ces principes, il semblerait qu’il soit difficile de se sentir chez soi dans la plupart des villes. Comment expliquer cela ?

Historiquement, les villes ont été construites à taille humaine. Une grande partie des activités de la vie publique, comme le partage de nouvelles et le commerce, se déroulait dans les rues et sur les places. Les routes étaient conçues pour la marche, et les panneaux étaient lisibles à 5 km/h.

Mais ensuite, les voitures sont apparues, roulant rapidement à 50, 60, +90 km/h. Cela a imposé une conception très différente des rues car l’œil humain perçoit les choses différemment en conduisant (pensez à la taille des panneaux d’autoroute, par exemple). De plus, un niveau de bruit et un sentiment d’insécurité différents ont suivi.

Lorsque l’on conçoit des rues en ne pensant pas à l’être humain, qui est en mouvement, le paysage urbain ne peut pas ressembler à un salon. 
Se faufiler entre les voitures garées ou « une journée dans la peau d’une cycliste ».

Comment les conseils municipaux peuvent-ils faire en sorte que leurs habitants se sentent chez eux dans une ville ?

Il s’agit d’organiser les bases de la vie quotidienne.

Est-ce que mon enfant peut avoir une place dans la crèche la plus proche de chez moi, pour que je puisse l’y amener à pied et rencontrer mes voisins en chemin ? Y a-t-il un terrain de jeux ou un parc à proximité ?

Y a-t-il un magasin dans les environs où je peux acheter mon lait et mon pain quotidiennement, ou un pub dans le quartier pour prendre un verre ? L’arrêt de bus du coin est-il un endroit agréable pour attendre le bus et discuter avec les autres ?

Ces choses du quotidien définissent la qualité de vie et le sentiment d’être chez soi.

Quel est l’impact des transports et de la mobilité sur le sentiment d’être chez soi dans une ville ?

Lorsque l’on parle de mobilité, je crois en la notion de flexibilité. Un jour, j’aurais peut-être besoin d’une voiture, le lendemain, je préférerais sûrement le tram. Ou bien, je voudrais être dehors et utiliser un vélo.

Dans les grandes villes, il y a toujours le choix entre le métro et le bus – vous pouvez choisir entre arriver rapidement à votre destination ou profiter de la vue. Les visiteurs devraient pouvoir acheter facilement des billets de bus en utilisant leur carte bancaire ou leur téléphone au lieu de chercher un distributeur automatique dédié.

Comme dans nos propres maisons, nous souhaitons aussi que ce qui nous entoure dehors soit agréable. Les transports publics peuvent aussi avoir fière allure et offrir de belles vues – il suffit de regarder les bus à deux étages de Londres !

La conception et le caractère des transports publics, des rues, des panneaux de signalisation et d’autres détails peuvent contribuer à l’identité d’une ville et la rendre plus reconnaissable, plus comme chez soi.

Une cargaison par jour fait disparaître une voiture.

Il existe de plus en plus d’initiatives conduites par des communautés visant à rendre les zones urbaines plus conviviales pour les gens. Quelles sont vos préférées ?

La première initiative qui me vient à l’esprit est celle de New York pour les espaces de stationnement. Mais plus près de chez moi, je pense que les journées du festival de la communauté locale de Uue-Maailma et Kalamaja à Tallinn ont vraiment contribué à rassembler les gens et à libérer leurs rues d’une manière différente. Une longue table a été dressée dans la rue, et tout le monde s’est réuni avec sa famille et ses amis pour un dîner commun.


Votre ville natale vous donne-t-elle l’impression d’être chez vous ?

Nos villes devraient permettre aux gens, et non pas uniquement aux voitures, de se sentir chez eux. La mobilité partagée peut contribuer à réduire le nombre de voitures dans nos rues et à redonner de l’espace aux habitants.

Pour en savoir plus sur notre campagne « Comme chez soi », découvrez comment une ville de qualité devrait être perçue.

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